Pilate

Récit de Jean Grosjean

Lecture-spectacle par cinq comédiens du Théâtre de la Clairière

Jean Grosjean (1912-2006)

Poète et écrivain, traducteur de textes bibliques et du Coran, Jean Grosjean a passé une partie de sa jeunesse dans le Doubs, a vécu quelques années au Liban, est devenu l’ami intime d’André Malraux, a dirigé avec Jean-Marie Gustave Le Clézio la collection l’Aube des Peuples chez Gallimard, et fut lauréat de huit prix littéraires.

Celui qui est grand sous le ciel, c’est le lecteur. Tout est écrit, mais nous ne savons pas lire. Magnifique le lecteur qui se penche sur le texte. Il déchiffre la vie et elle lui emplit l’âme.

Jean Grosjean, Kleist

Un Pilate

Tout le récit de Jean Grosjean tourne autour de cette idée que, ayant parlé à Jésus, et Jésus ayant levé les yeux sur lui, Pilate allait devenir un disciple « mais de l’espèce à retardement ».

Jean Grosjean fait de Pilate un rêveur touché par une forme de grâce, racheté par ses doutes et ses interrogations. Mais il le fait en nous interpellant dans notre univers. « Ce Pilate, c’est tout nous dans la vie active. » Le récit pénètre la complexité de l’Orient tout en interrogeant l’héritage biblique, mais il élargit le champ de lecture : la figure du Messie n’occulte pas les autres rôles, la préoccupation religieuse ne se détourne pas du quotidien, d’une réflexion sur l’exercice du pouvoir et du saisissement des signes dans le paysage à travers les manifestations les plus ténues du monde sensible.

Extraordinaire force poétique d’un texte bâti comme un drame optimiste à plusieurs personnages, jouant du paradoxe, de l’humour et de l’ironie : Procla raillant la lenteur de son Pilate de mari, Pilate
condamnant le Fils mais aspirant à connaître le Père, Dieu suggéré comme « l’abîme intérieur de l’homme » et le monde comme langage de Dieu, mais à voix basse.

Cinq comédiens font entendre ce récit en insérant dans la lecture à haute voix quelques scènes jouées comme dans un studio de théâtre. Extraits musicaux de J.S. Bach, orchestrées par John Coltrane et Raphaël Imbert. Montage et mise en espace Pierre Louis. Avec Lucas Vautrin, Caroline Michel, Marc-Antoine Crionnet, Alix Baudoin, Pierre Louis.

Les premières représentations

Eglise de Besançon, mars 2016

L’Est Républicain 14/4/2016

Un point de vue

Le Pilate de Jean Grosjean est un récit à la fois d’une dramaturgie extraordinaire et d’une intériorité magnifique. La rencontre de Jésus et du procurateur romain nous est si connue par le récit qu’en font les quatre évangiles qu’on croirait volontiers ne rien pouvoir entendre d’étonnant dans cette histoire. Jean Grosjean nous en découvre les ressorts les plus intimes dans les coeurs et les âmes de
ses protagonistes : Pilate, bien sûr, mais aussi sa femme Procla ; Caïphe, le grand Prêtre, et son serviteur Malchos ; le roi Hérode ; le centurion Corneille ; et Jésus même. Tous révèlent Pilate à luimême
: l’obscur procurateur romain, bientôt destitué par l’empereur, en reçoit une lumière qui fera son éclat : son nom est même prononcé chaque jour depuis deux mille ans par des millions de voix récitant le Credo de par le monde.

Dans le texte de Grosjean, chaque rencontre est d’une intensité bouleversante, qui déplace les certitudes et ouvre l’être à une vérité insoupçonnée ; entre les rencontres, le récit glisse vers une intériorité de plus en plus débordante que le monde contemplé contient à peine.

C’est cette double dimension que réussit à manifester la lecture théâtralisée par les acteurs du Théâtre de la Clairière. Un dispositif scénique désencombré, une voix narrative double – masculine et féminine –, le texte – et lui seul – d’une intensité qui comble l’attente des rencontres : Pilate et Malchos, Pilate et Procla, Pilate et Corneille ; leurs questionnements bouleversants ; leurs êtres transfigurés… le jeu des acteurs ne faisant que porter sans afféterie la force du texte. Quelques gestes ou objets symboliques hypostasiant la figure du Christ au regard des personnages : une tunique blanche, puis pourpre, le filet d’eau coulant de l’aiguière, le titulus – premier évangile, un linceul… On ne pouvait espérer plus juste service d’un texte aussi poétiquement naturel, d’une prosodie orale qui emporte, et d’un langage qui parle. Cette admirable lecture théâtralisée fait entrer le spectateur de plain-pied dans l’univers de Jean Grosjean, sa pensée concrète et sa théologie quotidienne.

Augustin Guillot, président de l’association des amis et lecteurs du poète « La lueur des jours de Jean Grosjean »

Le Théâtre de la Clairière

Pierre Louis auteur, metteur en scène, fondateur du festival des Nuits de Joux en Franche-Comté, directeur du Centre d’Animation du Haut Doubs jusqu’en 2007, dirige le Théâtre de la Clairière implanté à Besançon. Il est à l’origine d’un nouveau festival : Soirs d’été au Centre diocésain de Besançon.

Pour Les nouvelles Rencontres de Brangues, son texte Paul Claudel et l’arc-en-ciel a fait l’objet d’une lecture théâtralisée au château de Brangues le 17 mai 2014. Le musée de la Résistance de Besançon a retenu sa chronique-fiction pour le théâtre Une petite gare en France en support d’animation du concours de la Résistance 2014. L’Université Ouverte de Franche-Comté a inscrit à son programme 2014-2015 deux autres de ses textes pour le théâtre : Courbet derniers feux et Mirabeau, Ledoux, une rencontre et en 2015-2016,  Votre Emile pour la vie (1914-1916) et Douce France ! Trenet, Mauriac, Mozart et compagnie…

Le Théâtre de la Clairière, compagnie indépendante, est constitué de comédiens et musiciens professionnels et amateurs de Franche-Comté, de Paris et de Lyon. Créations 2015 : Laudato si – pape François / Edgar Morin (lecture-spectacle), On ne badine pas avec l’amour de Musset, L’Humour c’est quand on rit quand même sur des textes de Kurt Tucholsky (avec la compagnie de la Presqu’île de Lyon). Créations 2016 : Pilate (lecture-spectacle) de Jean Grosjean, L’Avare de Molière, Douce France ! Trenet, Mauriac, Mozart et compagnie… (spectacle musical).

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